À l’occasion d’une formation dispensée chez Constructions-3D, nous avons rencontré David Laliberté, enseignant en maintenance industrielle au Cégep et porteur du projet RI³D-FRQ, un regroupement de recherche québécois dédié à l’impression 3D béton. À travers cet échange, il revient sur son parcours, la genèse du projet, les enjeux pédagogiques et technologiques de la construction additive au Québec, ainsi que sur les liens tissés avec Constructions-3D. Une discussion riche, qui témoigne de l’ambition collective portée par les établissements techniques québécois pour transformer durablement la formation et les pratiques de la construction.
Publié le 2025/06/25
Écrit par Jessica Maciejewski
Au Québec, le Cégep (Collège d’enseignement général et professionnel) est une institution publique qui fait le lien entre l’école secondaire et l’université. Il propose deux types de parcours : un programme préuniversitaire de 2 ans, et un programme technique de 3 ans, axé sur la formation de techniciens qualifiés. Ce modèle hybride permet à la fois de préparer les études supérieures et d’entrer rapidement sur le marché du travail.
Les Cégeps jouent un rôle essentiel dans le développement des compétences professionnelles au Québec, notamment dans les domaines techniques et industriels. Ils proposent aussi des formations continues pour adultes et entreprises, et sont souvent dotés de centres de recherche appliquée, qui collaborent avec les acteurs économiques locaux sur des projets concrets.
Ce modèle d’enseignement est reconnu pour sa capacité à concilier théorie et pratique, avec un fort ancrage territorial. Il contribue activement à l’innovation, à la formation de main-d’œuvre spécialisée, et à l’adaptation des filières aux enjeux technologiques et environnementaux.
Je m’appelle David Laliberté, je suis enseignant en maintenance industrielle au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, avec une formation initiale en génie mécanique. Avant de rejoindre l’enseignement, j’ai travaillé pendant 12 ans dans l’industrie, dont 6 ans comme chargé de projets dans le secteur des pompes industrielles pour les mines, puis 6 ans comme directeur d’usine. Depuis six ans, j’enseigne au niveau collégial, tout en m’impliquant activement dans la recherche appliquée.
Je suis également le porteur principal du projet RI³D-FRQ (Regroupement innovant pour l’impression d’immeubles durables), un réseau interétablissements financé par le Fonds de recherche du Québec, par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et par plusieurs autres fonds de recherches et fondations. Je coordonne à ce titre les activités de recherche, les partenariats, les formations et les projets pilotes. Le Cégep où j’enseigne joue un rôle central dans ce regroupement, à la fois structurel et stratégique.
Nous avons participé à une formation technique sur la MaxiPrinter, organisée dans le cadre du projet RI³D-FRQ (Regroupement innovant pour l’impression d’immeubles durables). Elle nous permet d’acquérir les compétences nécessaires à l’utilisation, la maintenance et la diffusion pédagogique de cette technologie.
L’intérêt est né d’une expérience personnelle. En rénovant une maison avec ma conjointe, nous avons rencontré des problèmes avec un entrepreneur. Cela m’a fait réfléchir à des méthodes de construction plus simples, plus automatisées, plus fiables. En tant qu’ancien directeur industriel, j’ai voulu appliquer une logique d’industrie 4.0 à la construction.
Par une veille technologique réalisée par notre équipe. Nous avons comparé plus de 30 fournisseurs mondiaux selon des critères précis. La MaxiPrinter s’est imposée comme la solution la plus adaptée à nos besoins : format, mobilité, compatibilité pédagogique.
Trois éléments m’ont particulièrement marqué lors de ma visite. Tout d’abord, le fait que Constructions-3D utilise ses propres machines pour bâtir de véritables structures : une démarche rare parmi les fabricants, qui se contentent souvent de démonstrations théoriques ou de prototypes sans finalité réelle. Ensuite, j’ai été impressionné par l’agilité de l’équipe : avec seulement 25 personnes, l’entreprise parvient à concevoir, produire, installer, innover et communiquer, avec une efficacité remarquable. Enfin, le projet de la Citadelle des Savoir-Faire, qui mêle tests techniques, recherche appliquée et utilité concrète, incarne parfaitement une vision moderne et engagée de l’innovation industrielle.
Nous ciblons plusieurs filières de formation afin d’exposer les étudiants et étudiantes à l’impression 3D béton au cours de leur cursus technique. Par exemple, les technologues en architecture seront formés aux nouvelles méthodes constructives ; les technologues en génie civil approfondiront leurs compétences en structures et en matériaux ; quant aux technologues en génie électrique et en maintenance industrielle, ils se concentreront sur l’automatisation et l’entretien des systèmes complexes. En parallèle, nous prévoyons de développer une formation spécialisée de 6 à 8 semaines, alliant enseignement théorique et mise en pratique sur un équipement de construction additive, qui serait successivement déployé dans les six collèges partenaires du regroupement.
Le premier frein est budgétaire. Avec les restrictions imposées par les gouvernements, les fonds pour la recherche et l’innovation sont en baisse. Ensuite, la culture de la recherche est encore marginale au collégial. Sur 300 enseignants de mon collège, seuls une dizaine font de la recherche. Enfin, il est difficile de faire percoler l’innovation dans l’enseignement. Nous militons pour une approche où les projets de recherche deviennent moteur d’apprentissage.
L’intégration de l’impression 3D béton nous ouvre de nombreuses perspectives. Elle constitue d’abord une plateforme pédagogique concrète, permettant aux étudiants de se former sur des équipements de pointe. C’est aussi un outil puissant de recherche appliquée, directement connecté aux enjeux du terrain. Elle agit par ailleurs comme un catalyseur de collaboration entre collèges, centres de recherche et universités, favorisant le partage de compétences et la mutualisation des savoirs. Enfin, cette technologie apporte une réponse pertinente à la crise du logement et à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Pour renforcer cet engagement, nous lancerons deux concours étudiants en 2025-2026 – l’un en génie civil, l’autre en architecture – autour de la conception de mobilier urbain imprimé.
Au Québec, le secteur de la construction est très syndiqué. Il faut donc impliquer les syndicats en amont pour en faire des parties prenantes de la solution. De plus, l’Association des constructeurs (APCHQ) nous soutient et facilite le dialogue. Le manque de main-d’œuvre qualifiée est un levier fort pour adopter des technologies moins dépendantes de la minutie humaine.
Nous avons participé à un réseau coordonné par le Conseil national de recherche du Canada (CNRC), rassemblant 80 parties prenantes de la construction additive. Les retours des entreprises ont été clairs : moins de main-d’œuvre, moins de compétence technique besoin d’autonomiser la production. Cela renforce la pertinence de l’impression 3D.
L’impression 3D béton n’est pas une menace pour les métiers du BTP. C’est une opportunité pour les moderniser, les rendre plus attractifs et inclusifs. Elle ouvre la voie à de nouveaux profils hybrides, plus polyvalents, plus connectés. Et surtout, elle répond à des enjeux réels : crise du logement, difficulté d’accès au foncier, besoins d’adaptation climatique.
Les échanges avec David Laliberté révèlent une vision claire : l’impression 3D béton n’est pas une innovation gadget, mais un levier de transformation structurel pour l’enseignement, la recherche et l’industrie de la construction. Le projet RI³D-FRQ, soutenu par un important réseau d’acteurs publics et privés, illustre parfaitement cette volonté d’ancrer la technologie dans des usages concrets, durables et pédagogiquement pertinents. En collaborant avec Constructions-3D, le regroupement pose les bases d’une coopération internationale structurante, à la croisée des savoirs, des territoires et des transitions.